Balthus pamplemousse

Je lis le blog de Ardente et sa note du 14 mars sur Venise. Je me dis j'étais à Venise également ces jours-là. La saison était basse après le Carnaval. Agrément de la voir quasi désertée, sous la neige. L’épaisseur blanche à Santa Lucia et sur les baches des gondoles abandonnés de visiteurs. Alors ai-je entre-aperçu Ardente quelque part ? Je repasse le fil des visages croisés. Je ramasse les indices proposés par Ardente, quelques photos de son blog, que probablement elle avait cet air française, que occupé de lettres elle pouvait être passée dans les lieux que ces affinités nourrissent... club des longues moustaches sous le chinois, palais fortuny, barbaro ou mocenigo... prisons ouvertes à la piranese... Je me repasse les calle, sotoportego, campo, piazzetta, corte... les petits ateliers de gravures où j'ai trainé. Je laisse venir des cheveux sombres, des jambes, je cherche, des voix plutôt posées, un peu docte, avec cette petite fermeté des gens qui savent. Une nuit peut-être ? avec cette exhibition excessive d’un sein au Palazzo Vendramin qui vit s'éteindre Wagner et où s'attarda d'Annunzio autour d'une table de pontage, de pharaon ou de roulette pour le Casino d’hiver. Peut-être dans cette église, ce restaurant, ce concert de chambre, campo Franceso Morosini ou au matin après la neige sur les marbres de Stravinski ou Diaghilev sur l'île des morts.
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Assise. D'abord occupé par son portable avec son reflet dans la vitre et un sac sur les genoux. Un pull de tricot blanc, grand front, longues torsades rousses séparées en deux bandeaux. Le visage bien dégagé, blanc, très lisse, fins sourcils roux aussi et une couleur sombre et mate sur la bouche. Les yeux si terriblement clairs et qui me fixent quand ils se posent. Il y a du temps, la chaleur monte, les fenêtres s'entrouvrent, se baissent. Comme si la peau se détendait, prenait un léger volume et de l'épaisseur. Comme si un peu de poudre disparaissait, une respiration, un peu de mouillé qui échappait sur la lèvre supérieur et dans le cou. Plus molle, plus moite, plus onctueuse. Le pull qu'on entrouvre sur un fin chemisier blanc en crochet, à même la peau et qui laisse le gonflement des seins au travers les trous fins du crochet. Un pâle grain de beauté au bas gauche de la gorge, et de légères plaques rouges qui se dessinent quand elle y attarde sa main et que je croise à nouveau son regard. Elle ne fait rien. Elle attend. Comme moi. Ce qui ne durera pas davantage.
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Cheveux tirés en arrière. Techno qui résonne dans le wagon. C'est sa cuisse moulée du djean qui bat la mesure avec netteté. Grosses tennis blanche, les jambes ouvertes, elle secoue et suit le rythme avec vigueur. Un élastique noir qui tient serré le blond délavé avec des mèches de gel. Pattes d'éph. deux diamants au bas de l'oreille gauche et qui dit à qui sur son mobile “un son d'enfer sur F&G”.
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On voit la langue rouge avec ses fils de salive qui sort de sa bouche à elle et vient se faufiler dans la sienne. Elle a une toque en fourrure grise et une écharpe sang de boeuf. Les yeux sont mi-clos. Ils clignent par moment et les bouches se posent, s'ajustent, se lissent. Appuient. Ils se regardent. Avec fixation. Comme avec au ventre une envie chaude. Puis lui se callent les yeux fermés au creu de son cou à elle. Et je vois soudain son regard à elle, comme perdu, dans le vide, si loin de tout. Dans une vie qui n'est pas celle là. Qui avait l'air d’être encore sous la possession qui fait baiser à toute heure.
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